CORBEN Richard

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Richard Vance Corben est né le 1er novembre 1940 dans une ferme d’Anderson dans le Missouri et a grandi à Sunflower au Kansas, ville ouvrière où est installée Sunflower Ordnance Works qui produira des milliers de bombes durant la seconde guerre mondiale. Ses premiers dessins sont pour les aventures de Trail, le chien de la famille, les suivants seront des imitations de Tarzan et des Brothers of the Spear, mais s’il est attiré par le dessin, il l’est tout autant par l’animation.
Il fait ses études à l'Institut d'Art de Kansas City et se concentre sur le dessin et la peinture, compétences dont le développement sera essentiel dans le choix et la création de son futur style réaliste. L’école n'offre aucun cours d'animation mais Corben produit néanmoins, dans le cadre d’un projet de fin d’études et grâce à la caméra 8 mm de son père, un petit film animé de 5 minutes mettant en évidence les travaux d’Héraclès.
En 1965, fraîchement diplômé de l'Institut d'Art de Kansas City, il décide de partir pour New York et d’y faire carrière dans la bande dessinée ou l'animation. Mais Richard est un jeune homme timide et hésitant et de ce fait, préfère-t-il reporter à plus tard un changement aussi radical. Il exerce alors différents petits métiers, travaillant même dans la construction pour son père, mais il finit par trouver un travail à Kansas City dans une société cinématographique industrielle comme artiste/animateur/cameraman.
Malgré sa timidité il se marie et après presque dix ans au service d'animation de la Calvin Communications Inc, section prestige de la Calvin qui s'occupe entre autres de publicité, Corben se sent frustré de ne pas s’être donné la chance de faire carrière dans le domaine de l’art. En effet, si dès 1967, profitant de son temps libre, il fournit copieusement et gratuitement des Fanzines en illustrations puis, à partir de 1968 en histoires dessinées, il considère cette occupation plus comme un hobby que comme un véritable travail et malgré un succès retentissant, il hésite fort à abandonner son emploi chez Calvin.
C’est la fin des années soixante et sur la côte ouest des Etats-Unis, un mouvement contestataire de contre-culture prônant une liberté totale d'expression, l'Underground voit le jour. Dans le raz de marée que l'Underground va déclencher, Corben se tourne naturellement vers les comics. Il travaille principalement et abondamment pour deux maisons d'édition underground Ripp off Press et Last Gasp. Après avoir fait des économies, il se lance en 1970 dans l'aventure de l'édition et édite son propre magazine Fantagor. Mais celui-ci arrive trop tôt, il bien trop luxueux et surtout trop cher. Le premier numéro est un désastre commercial et Corben finit par le céder dans un premier temps à la Ripp off Press, puis par la suite à Last Gasp.
Ses influences graphiques du début sont tour à tour Will Eisner, Harvey Kurtzman, Wallace Wood et l'équipe des EC comics. Ses influences littéraires quant à elles, se tournent vers HP Lovecraft, Edgar A Poe, Robert Howard et Burroughs. Ses thèmes de prédilection sont l'horreur et la science-fiction où les thèmes les plus récurrents sont l'après-holocauste, les mondes parallèles ou les voyages spatiaux. Très souvent, sa science-fiction a même tendance à ce fondre dans la fantasy quand ce thème n'est pas le centre même de l'histoire.
Richard Corben n'a jamais pratiqué les grandes maisons que sont à l’époque La National Periodical qui deviendra DC et la Marvel. Celles-ci l’ont bien entendu remarqué et l’ont contacté, mais il décline leurs offres, estimant que les concessions qu’elles lui imposent lui semblent un prix bien trop exorbitant à payer.

Déjà à cette époque, l'Underground est sur une voie descendante. Sentant rapidement le vent tourner Richard Corben, conjointement à ses livraisons diverses, fournit dés 1971 plusieurs autres récits et couvertures à la Warren Publishing pour ses magazines Creepy, Eerie et Vampirella, profitant de cette période pour encore affiner son style.
En 1972, il finit par abandonner sa place chez Calvin et se consacre à plein temps à une carrière de dessinateur. Le succès commercial n'est pas long à venir et sur les quelques années où il sévit dans l'Underground, Corben sous son nom ou sous le pseudonyme de Gore ou encore Corbou est sans doute le dessinateur le plus publié du mouvement.
La concurrence des comics étant impitoyable, J. Warren décide d'adjoindre des pages couleurs à ses magazines afin d'en dynamiser les ventes, Richard Corben va tirer profit de cette innovation. Il perfectionne à partir de cette époque une technique révolutionnaire de mise en couleur qui va faire en grande partie sa gloire, une technique à ce point aboutie, que la page acquiert un relief quasi holographique. Son style est unique et inimitable, passant d'un réalisme quasi photographique appuyé par un emploi aérien de l'aérographe, à un style plus proche du semi-réaliste, et cela parfois même au sein d'une même planche. Ajoutons que grâce à la dizaine d'année consacrées au dessin animé, de 1963 à 1972, Richard Corben a gardé une science du découpage et du montage, qui lui permet d’utiliser un langage cinématographique omniprésent dans son oeuvre et qui le place à part dans le milieu des comics.
En quatre années, il produit environ 400 planches en noir & blanc et en couleur pour les trois magazines de James Warren. Conjointement à cette production considérable, c'est dans une publication très éphémère de 1973, Grim Wit que Corben crée le premier chapitre de Den. Sa parution est un événement qui va profondément marquer l'inconscient collectif des lecteurs de l'époque. Cette fantastique histoire voit alors sa suite publiée dans la revue française Métal Hurlant, puis dans Heavy Metal sa transposition américaine. Pour la première fois, la qualité du papier du support de publication met réellement en valeur toute la subtilité du travail de coloriste de Richard Corben.
C’est à partir de 1973 que se succèdent les chefs-d'œuvre, Bloodstar en 1976, Monde Mutant en 1978, Les Mille et une Nuits en 1979, Jeremy Brood en 1982, La Chute de la Maison Usher en 1985, les Enfants du Feu en 1987, la reprise de Den en 1988 etc... etc… Il réalise même une aventure des Tortues Ninja en 1990.
Au début des années 90, Corben revient à son oeuvre de toujours et continue la suite des aventures de Den. Il se consacre également, avec l'aide de sa fille, à la mise en couleur d'anciennes histoires, ayant découvert un nouveau jouet, la palette chromatique d'un ordinateur et les résultats sont plus que surprenants.
Richard Corben réalisera plus de 2400 planches de comics en 30 ans et si aujourd'hui il continue à dessiner et qu’il est encore très présent dans les grandes maisons d'éditions, on est loin des histoires complètes et des dessins hyper novateurs de la grande époque. Peut-être préfère-t-il consacrer son temps à réaliser des petits films d’animation juste pour son plaisir ? Richard Corben a remporté en 2009 le Spectrum Grand Master Award.
L'artiste est décédé le 2 décembre 2020, au lendemain d’une opération chirurgicale au cœur qui faisait elle-même suite à une grande fatigue depuis plusieurs mois.