GIMÉNEZ Juan

Partager :

Liens :
Juan Giménez est né le 26 novembre 1943 à Mendoza, en Argentine. Au début des années 50, il habite Mar del Plata, au sud de Buenos Aires et découvre grâce à un garçon d’un quartier voisin, la revue de bande dessinée Misterix, la première qu’il voyait. Il y avait des auteurs comme Campani, Pratt, Battaglia et c’est immédiatement une révélation. Même si il ne pensait pas alors à faire carrière dans la bande dessinée, puisque il se destinait à l'ingénierie et à la construction d'avions, il se met à réaliser ses propres bandes dessinées et pour progresser copie les pages des revues.
Son père était employé d'une multinationale du pétrole, la Shell et occupait un poste de responsabilité, comme on dit. Il changeait de ville tous les trois ans environ, afin d'éviter qu'il ne noue des relations trop étroites et par là-même dangereuses ou compromettantes du point de vue de la compagnie. Cette obligation qu'on peut trouver contraignante représentait pour le jeune Juan une véritable aubaine. Tous les trois ans, il pouvait découvrir une nouvelle ville et une nouvelle région de l'Argentine. Évidemment, le problème était quand même d'abandonner ses amis et d'en trouver de nouveaux...
Aujourd’hui Giménez pense qu’il est venu à son actuel métier d'auteur de BD à cause de cela. Car il a sans doute commencé à dessiner, à s'occuper par le dessin, pour remplir le vide qui suivait chaque déménagement.
A cause de cela et grâce au cinéma. En effet, quand ils étaient enfants sa soeur et lui, accompagnaient leur mère au cinéma plusieurs fois par semaine et sitôt rentré à la maison, la tête pleine d'images et de sons, il était saisi par le besoin de les matérialiser, de les fixer, comme pour mieux m'en souvenir plus tard. Alors il les dessinait!
Comme il avait cette préoccupation de matérialiser les images qu’il avait en tête, une fois les dessins réalisés au crayon sur du papier, il les traduisait ensuite avec de la pâte à modeler en trois dimensions. Et ainsi, sans s'en rendre compte, il apprenait petit à petit tout ce qu'il faut savoir, la perspective, les volumes et la profondeur.
Ses parents ayant donc de nouveau déménagé pour Rio Cuarto, un de ses amis d’école lui apprend qu'il connait le dessinateur Victor Hugo Arias, enseignant aux Beaux-Arts, ami de Pratt et collaborateur de la revue Misterix. Juan Giménez a quinze ans lorsqu’il rencontre pour la première fois un auteur de BD et cette rencontre lui permet de faire une découverte extraordinaire, le pinceau! Victor Hugo Arias sera son premier maître et lui expliquera toutes ses ficelles. Juan dessine un tas de choses pour lui, des armes de toutes sortes, des avions, des chars et bien sûr, réalise de son côté quelques BD, qu'Arias analyse et critique.
Arias reçut un jour la visite d'un certain Hector Alfonso, de Buenos Aires, qui lui parla de lancer une nouvelle revue Fuego. Arias lui répondit : "Très bonne idée ! Il y a ici un jeune homme très doué qui peut sûrement travailler pour toi !". Ce fut le début d'une collaboration avec Alfonso, qui durera une année.
Mais en Argentine, des crises économiques et politiques se déclarèrent, la bande dessinée ne marchait plus guère, les revues disparaissaient, les dessinateurs partaient à l'étranger. Juan fait plaisir à son père, il reprend ses études...
Poursuivant ses déménagements, sa famille atterrit à Mendoza où il s'inscrit dans un nouveau département universitaire, le design industriel. Il a vingt ans et l'espoir de vivre de la BD s'était envolé mais il apprend dans ses cours, l'ergonomie, le développement des proportions logiques et la construction des volumes, des choses qui lui seront par la suite extraordinairement utiles et que ses dessins exploitent encore aujourd'hui.
Après son service militaire il trouve un emploi dans la publicité et s’y consacre pendant une quinzaine d'années. La bande dessinée était devenue pour lui un vague souvenir, nimbé de nostalgie. Mais pour sortir de la routine, il saisit l'opportunité de travailler dans le film d'animation, toujours sur un plan publicitaire et y aborde tous les aspects, y compris bien sûr la réalisation du story-board. Il s'y consacre jusqu'en 1973 et gagne même un prix pour un film qu’il a entièrement conçu, réalisé et animé!
Et là, en 1973, l'histoire se répète. Il passe chez le marchand de journaux et trouve le nouveau magazine Skorpio, avec en couverture un portrait de Corto Maltese. Il l’achète et y lit La Ballade de la mer salée et y retrouve même une histoire de Victor Hugo Arias. La qualité de la revue est telle que, d'un coup, les douze années passées à faire du film d'animation s'effacent!
Il s'en est fallu de peu qu’il parte immédiatement pour Buenos Aires. Mais il dessine d'abord une nouvelle histoire, une histoire de voyage dans le temps, ce qui lui permet de faire étalage de ses possibilités en dessinant diverses époques. Il envoie cette histoire à la rédaction du magazine Skorpio et fait ensuite un voyage de huit cents kilomètres pour revoir Arias, à Cordoba. Son ancien maître se met presque à pleurer quand il le voit après quinze ans!
Arias l'emmène aussitôt à Buenos Aires, à la rédaction de Skorpio où il rencontre Monsieur Judix Zanotto et là Zanotto s'étonne car après avoir reçu son histoire, il avait envoyé le matin même une lettre de convocation à Juan Giménez….. et il était déjà là !
Juan Giménez quitte définitivement l’Argentine vers la fin des années 70 pour s’installer en Espagne sur la Costa Brava. Là en collaboration avec Carlos Trillo et Ricardo Barreiro, il commence à travailler pour les maisons d'édition espagnoles (Zona 84 et Comix International), italiennes (Lacio Story et Skorpio) et enfin françaises (Glénat, Dargaud, Bagheera et Albin Michel) confirmant clairement sa tendance pour le fantastique et la science-fiction.
Juan Giménez est plébiscité par les lecteurs de Zona 84 et Comix qui, par sondage, en font le meilleur dessinateur en 1983, 84, 85 et 90. Il reçoit le prix du Meilleur Dessinateur au Salón del Cómic y la Ilustración de Barcelone en 1984 et en 1990, le Gaudi du meilleur dessinateur à la Feria Internacional del Comics toujours à Barcelone. En France, ce sera la Bulle d’Or en 1994.
En 1992, Juan Giménez rencontre Alexandro Jodorowsky, dont il admire le travail, avec Moebius notamment, depuis des années. Pour lui, Giménez s'engage pour la première fois, en collaboration avec un scénariste, le tout chez un seul éditeur (les Humanoïdes Associés), dans une série au long cours….. la Caste des Méta-Barons.
Giménez demeure un illustrateur très demandé. On peut voir son travail sur des couvertures de roman, des pochettes de disque, et même dans des jeux vidéo dont il a réalisé la conception graphique (Mutan Zone, Sol Negro, Casanova et Livingstone II). Il sera sans doute plus difficile de découvrir les story-boards qu'il dessine régulièrement pour le cinéma.
Il visite souvent les musées pour y trouver des idées et reconnaît être influencé par Rembrandt, par l'atmosphère de la Renaissance ainsi que par celle qu'on trouve dans les tableaux de l'époque napoléonienne, les grandes toiles de David. Mais il s'intéresse aussi au travail d'illustrateurs plus modernes, tel Norman Rockwell ou celui des illustrateurs italiens moins connus du début du siècle qui réalisaient les couvertures de la Domenica del Corriere, supplément de l’hebdomadaire italien Corriere della Sera.
Ses travaux ont été exposés dans différentes villes du monde, entre autre au Centre Georges Pompidou de Paris, en 1997 et vous pouvez découvrir queques-unes de ses oeuvres dans l'artbook L'Univers de publié en 1994 aux éditions La Sirène .
Le dessinateur s'est éteint le vendredi 3 avril à Mendoza, la ville qui l’avait vu naître, des suites du Covid-19 qu’il avait contracté à Sitgès en Espagne, là où il avait passé la majeure partie de sa vie.
 

LES LIVRES DE LA BIBLIOTHÈQUE