MILLER Ian

Partager :

Liens :
Ian Miller est né le 11 novembre 1946 à Londres. Très tôt, sa mère encourage sa vocation artistique. En effet, au début des années cinquante, elle travaille pour l'un des principaux costumiers de théâtre de Londres et le jeune Ian est, dès le départ, pris dans les rouages les plus intimes de la machine à illusions en ayant une enfance vivante et bien remplie. Vivante parce que sa mère l'emmène au cinéma tous les samedis après-midi et bien remplie parce que ses coffres à jouets débordent de pièces détachées et d'objets hétéroclites provenant d'une vingtaine de productions cinématographiques et théâtrales.
Ian est hypnotisé par l'effervescence qui règne et réceptif à tout ce qui est bizarre et merveilleux, réalité et fiction s’entremêlant. Par exemple, alors qu’il se rend à Manchester à bord d'un train à vapeur, il voit un troupeau de vaches sans tête depuis la fenêtre du wagon. Lorsqu’il en parle aux autres occupants du wagon, ils ont souri et lui ont dit que ce genre de choses était courant dans le nord de l'Angleterre.
Ses premières expériences artistiques commencent tout d'abord avec les livres de coloriage magiques où on ajoute de l'eau afin que les couleurs apparaissent comme par magie. Son père les lui avait achetés quelque part à Londres. Ensuite, ce seront douze crayons de couleur avec une couleur différente à chaque extrémité, reçus le jour de son sixième anniversaire. La qualité vive des couleurs est surprenante et, même aujourd'hui après toutes ces années, il se souvient encore de l'excitation qu'elles suscitaient en lui. Leur arrivée déclenche sa "phase Égyptienne antique". La frontalité, les piliers remplis d’hiéroglyphes, les pyramides et les anciens Égyptiens sont tout ce qui compte. C'est sans doute le jaune du désert qui l'a déclenchée, mais quelle qu'en soit la raison, le sable, les serpents, les couvertures rayées, les palmiers et les pyramides ont rempli les pages de ses carnets de dessin jusqu'à ce que chacun de ces douze crayons soit épuisé. Ce fut un jour très triste pour lui. Puis ce fut l'école, ces satanées peintures en poudre et les petits balais de jardin que l’instituteur faisait passer pour des pinceaux.
À l'âge de neuf ans, ses parents l’inscrivent à la Mortbane Academy for Boys dans le comté d’Inverness, un bâtiment humide en granit gris, situé sur les rives d'un petit Loch aux eaux noires d’Écosse. C'est là, sous l'influence et la tutelle de M. Beck le professeur d'art surnommé affectueusement Old Dribble par ses élèves et après de nombreuses et régulières expéditions de peinture dans la campagne environnante, qu’il décide de devenir artiste.
Ian réalise une magnifique peinture à l'huile d'un coucher de soleil, un panorama d'orange, de rouge et de noir, un subtil barbouillage au couteau à palette, s'enfonçant derrière un toit noir de lampe plate. Il la trouve très spéciale, tout comme M. Beck, qui lui dit que son tableau est, sans crainte d'être contredit, la pire peinture jamais réalisée dans toute l'histoire de l'art et qu'à son avis, rien ne pourrait l'améliorer dans un avenir proche ou prévisible. Tout le monde a applaudi. Mais M. Beck lui a ensuite dit que l'écart entre l'échec et le succès était infinitésimal, si petit qu'il n'était pas mesurable et il a rajouté "Twitch once, Miller, and you’re King of the Heap. Twitch twice and you’re inconsolably lost (Si tu ne te trompes qu’une seule fois, tu es le roi du monde. Fais la même erreur deux fois et tu es le roi des loosers)". En retirant le tableau du chevalet, il lui a souri et lui a dit "Continue et souviens-toi du twitch". C'est ce que Ian a fait et qu’il fait encore souvent. Et c'est ainsi que tout a commencé.
Ian a toujours eu un esprit curieux. Il utilise donc tous les outils qui lui tombent sous la main et par élimination, finit par trouver ceux qui répondent le mieux à ses besoins. Il ne pense pas avoir commencé avec des idées préconçues sur la manière dont il voulait s'exprimer en tant qu'artiste, ni sur la manière à utiliser pour y parvenir.
Entre 1964 et 1967, il suit les cours à la Northwich School of Art, avant d'entamer des études à la Saint Martin's School of Art de Londres. Il commence la gravure dès sa première année à l'école des beaux-arts et flirte par intermittence avec ce procédé pendant les sept années d'études qui ont suivi. Inutile de dire que Ian est totalement intrigué par le procédé, mais éternellement frustré par les difficultés à obtenir du temps sur une presse à graver. Les installations d'impression de la St Martin's School of Art à la fin des années 60 ne sont pas brillantes et sont toujours surchargées. Ce qui est vraiment dommage, car le personnel et les techniciens sont vraiment très bons. Quoi qu'il en soit, il voit un de ses amis dessiner avec un Rotring Rapidograph et, après en avoir essayé un lui-même, il sait qu’il a trouvé la solution à son problème.
La pointe du Rotring, bien que différente à bien des égards de celle d'une aiguille à graver, constitue un substitut précis. Bien que chaque image soit désormais une édition d'un seul exemplaire, cela lui permet de créer le type de travail au trait qu’il veut, et surtout, quand il le veut. C'est un vrai bonheur. Certes, la qualité mono-ligne de ces stylos impose des limites, mais il s'agit d'outils propres et efficaces et il se rend compte qu’il compense rapidement toutes les lacunes. En fait, la construction de surfaces/placages est tellement plus facile et tellement plus rapide que sa production d'images a quadruplé. La superposition de lignes pendant tant d'années, dans toutes sortes de configurations et de permutations, était peut-être la préparation parfaite pour comprendre et manipuler la fonction de calques dans Photoshop, qu’il découvrirait plus tard.
Après réflexion, il pense qu’il s’est perdu dans sept années d'histoire et de théorie de l'art et qu’il s’est toujours retrouvé à peindre comme, d'après ou à la manière d'une autre personne ou d'une autre école et s’il a étudié la peinture à l'école des beaux-arts, il a rarement approché une toile. En définitif, la gravure et les crayons à tremper lui ressemblaient davantage, un moyen d'expression plus direct.
Après avoir obtenu son diplôme en 1970, deux options classiques s’offrent à lui pour trouver un emploi. La première consiste à rester dans le système académique et à suivre une formation de professeur d'art. La seconde, à travailler comme agent de sécurité de nuit, la logique étant que l'on peut alors peindre pendant la journée tout en continuant à manger. Ceux qui ont choisi cette voie se sont vite rendu compte qu'ils dormaient toute la journée et ne peignaient pas. Il a déjà passé sept ans dans une école d'art et l'idée d'une autre année de formation en tant que professeur n'est pas une option pour lui. Il veut s'en sortir et se promener dans une usine avec une bougie et un chien infirme n'est pas non plus envisageable.
Comme c'est parfois le cas dans la vie et alors qu’il est en plein doute sur son avenir professionnel, la chance lui sourit. Quelqu'un lui demande s’il a envie de faire une série de dessins pour un nouveau magazine artistique appelé Image. Il dit oui, parce que c'est la meilleure chose à faire. Comme il adore raconter des histoires, il lui est facile de trouver des images pour le magazine. Le rédacteur en chef, qui est aussi le propriétaire, avait vu certaines de ses images dans une exposition, dans une galerie londonienne et le reste appartient à l'histoire. Les choses se sont bien passées et d'autres travaux d'illustration ont afflué pour l’édition et des jaquettes de livres, dont une série d'illustrations pour des livres de poche de H.P. Lovecraft, sans oublier des travaux pour les magazines pour hommes, Men Only et Club International.
Ian commence donc à travailler à Londres en tant qu'illustrateur professionnel tout en faisant quelque chose qu’il aime. C'était dans les années 70, et depuis, il n'a cessé d'entrer et de sortir du monde de l'illustration.
Vers 1974-1975, Ian et son épouse sont à San Francisco et alors qu’ils errent sans le sou dans les rues de la ville Ralph Bakshi, le réalisateur, scénariste et producteur américain de cinéma et de télévision, le retrouve via Londres et New York et lui propose de travailler sur son film, Wizards, à Los Angeles. À l'époque, le titre provisoire du film, était même War Wizards. Cette chasse a été déclenchée par le fait que Ralph avait vu une illustration du château de Gormenghast que Ian avait créée pour Pan Books quelques mois plus tôt. Après leur séjour spartiate dans le vieil hôtel Gaylord près d’Union Square, où l'ascenseur menaçait de tomber en panne tous les jours et où l'événement de la semaine était les beignets et le café gratuits du dimanche matin, West Hollywood où le couple a déménagé, leur offre un contraste saisissant et même si le paysage n'est pas aussi beau, les gains matériels sont tout à fait spectaculaires. Bref, une transformation digne d'un conte de fées.
Voir son travail amélioré et animé est stupéfiant, tout comme l'interaction avec tant de personnes talentueuses rencontrées dans les studios. Sa collaboration avec Ralph restera pour lui une expérience dynamique et inoubliable, qu’il compare à une guerre de tranchées pour les artistes, où il en vivait chaque seconde, les coups de feu, les cris et tout le reste. C'était parfois épuisant, mais ce n'était jamais ni ennuyeux, ni moyen. Ralph Bakshi lui a laissé une immense liberté artistique et Ian lui en sera toujours reconnaissant.
Ian travaille ensuite sur le film Cool World de Bakshi dans les années 1980, réalise la pré-production du film Shrek dans les années 1990 et contribue à la conception et aux illustrations du film MirrorMask en 2005. Ce sera une brève association, les pouvoirs en place ayant décidé que le style de ses illustrations est effrayant et ne convient pas. D'autres étaient d'un avis différent, mais ils ont fini par s'en aller...
Ian est publié dès 1979 par Dragon's Dream sous le titre The Green Dog Trumpet, puis un second volume Secret Art. Il est bien connu pour son travail sur les livres de jeux Fighting Fantasy, qui ont gagné en popularité au milieu des années 1980. Il participe à la fin des mêmes années avec d'autres artistes dont John Blanche à plusieurs publications dans divers domaines et avec des styles très divers pour Games Workshop et Warhammer.
Au cours des décennies suivantes, Ian fournit d'autres illustrations pour des jeux publiés par d'autres sociétés, notamment les jeux de rôle Everway, Shadowrun et Earthdawn. Il illustre également des cartes pour le jeu de cartes à collectionner Magic: The Gathering et acquiert une certaine réputation pour ses illustrations inspirées par Tolkien. Il contribue richement aux illustrations du livre A Tolkien Bestiary et Characters from Tolkien - A Bestiary.
Ian a expérimenté différents supports au cours de sa carrière, mais il a une préférence pour les crayons, les Rotrings, l'aquarelle et le fusain. Ses œuvres publiées les plus connues ont tendance à se caractériser par une technique caractéristique de plume, d'encre et de lavis, exécutée sur carton à lignes, qu'il appelle soit "style plume serré", processus long qui demande beaucoup de travail, ou "style course au mur", plus rapide et frénétique. Les deux mettent l'accent sur les détails de la ligne et une utilisation restreinte de la couleur, ce qu'il considère comme le résultat d'une myopie et de penchants nord-européens. En effet, il s'identifie fortement aux expressionnistes d'Europe du Nord, Ensor, Breughel, Bosch, Grosz et admire particulièrement Albrecht Durer. Il est devenu, au fil de sa carrière, un spécialiste du domaine de la fantasy et de la science-fiction, quant à son style, il est décrit comme surréaliste, gothique et cauchemardesque ou grotesque.
Surtout, il continue à utiliser l'outil qui répond le mieux à ses besoins. S’il peut faire le travail plus efficacement et produire une meilleure image en utilisant un ordinateur, il le fera. La seule condition est que ses compétences informatiques soient à la hauteur. Il aime beaucoup combiner les formes traditionnelles de création d'images, les images dessinées à la table à dessin, avec les possibilités étonnantes de manipulation sur un écran d'ordinateur et il produit des images très intéressantes de cette manière. Il utilise des pinceaux, du fusain comprimé, des bâtons d'huile, voire du fil de fer barbelé, avec le même enthousiasme si le besoin s'en fait sentir.
The Art of Ian Miller est sorti chez Titan Books en 2014.
Ian aime marcher, naviguer, regarder le ciel et parler aux lapins et aux chiens. Il vit et travaille à Brighton, en Angleterre.

LES LIVRES DE LA BIBLIOTHÈQUE